Hubert Vedrine, Le Monde, 13/6
La possibilité d’un vote des Britanniques favorables au « Brexit » au référendum du 23 juin nous oblige, de toute façon, et quel qu’en soit le résultat, à ne plus fermer les yeux sur l’attitude de plus en plus critique et de plus en plus distante des peuples d’Europe envers la construction européenne.
Dénoncer mécaniquement le populisme, à coups de discours scandalisés et de sermons, donne bonne conscience, mais ne le fait pas régresser, parfois même l’attise, et ne résout rien si on ne traite pas ses causes.
La réalité c’est qu’il y a aujourd’hui en moyenne dans les différents pays de l’Union européenne (UE) – en moyenne car, pays par pays, il faudrait nuancer –, entre 15 % et 25 % d’anti-européens (anti, pas seulement sceptiques, on a bien tort de confondre les deux) ; à l’autre extrême, peut-être 15 % à 20 % de « proeuropéens » traditionnels et raisonnables, de centre gauche ou de centre droit ; sans doute guère plus de 1 % de vrais européistes fédéralistes (électoralement inexistants mais encore influents dans certaines élites et milieux économiques) ; et, entre les deux, une majorité d’environ 60 % d’eurosceptiques (au sens vrai : dubitatifs), d’Européens déçus ou devenus allergiques.
Année après année, chaque élection, nationale ou européenne, référendum, référendum consultatif, sans parler des études et sondages, confirme ce décrochage des peuples.
Source: LeMonde